Le monde change, les cases persistent
Dès les commentaires matinaux, la presse s’est fait l’écho de ce premier tour en demi-teinte.
Sur toutes les radios nationales, on a bien pointé que tout un chacun était content : la gauche comme la droite - même si aucune ne voulait (pouvait ?) se montrer triomphaliste - prétendait gagner quelque chose à ce premier tour. C’était à qui reprenait des villes, à qui les gagnait, à qui les gardait...
Et les politologues de jongler avec leurs vieilles grilles de lecture, pour continuer à faire entrer un monde qui avait changé, dans ses habits trop serrés.
Trop serrés, car il semble que la gauche comme la droite n’aient pas séduit beaucoup les quelque 43% d’abstentionnistes ce dimanche.
Trop serrés, car la droite comme la gauche n’ont pas semblé lisibles aux électeurs, déboussolés par l’absence de lignes de conduite vraiment différentes et l’homogénéisation des termes.
Qu’avaient-ils lu en effet dans les projets des divers candidats ?
« Le renouveau de la démocratie », « la conscience de l’environnement », « la construction de logements sociaux »...bien malin celui qui pouvait identifier une idéologie différentielle derrière ce déferlement (protecteur?) d’abstractions identiques.
Mais après les gros titres de la gauche et la droite, on en est venu à parler du Modem.
Les politologues se sont alors déchaînés pour essayer de résoudre cette énigme insoluble : comment comprendre si le Modem était de droite ou de gauche ?
Comment comprendre sa lisibilité politique alors qu’il s’allie tantôt à la gauche et tantôt à la droite ?
J’ai tout d’abord pensé à de la mauvaise foi.
Et puis j’ai compris qu’il se posait là aux commentateurs une énigme véritable, et qui le resterait tant qu’ils se saisiraient de la mauvaise clé.
Quand le postulat de base est faux, on crée un syllogisme qui n’explique rien. En prêtant au Modem la même configuration linéaire que les deux autres partis, on n’en saisit pas la différence substantielle : le Modem n’entre pas dans les cases préformées, il n’est ni de droite ni de gauche, il fait autrement.
Et bien que François Bayrou l’ait répété hier : « il repose sur des alliances de projet », on préfère essayer de le faire entrer dans les cases que l’on connaît, sans se poser la question de savoir si elles sont encore pertinentes pour l’électeur comme pour l’élu.
On préfère donc la rigidité enfermante à la souplesse de fonctionnement et l’ouverture, le navire coule, mais on continue d’énoncer les règles qui font qu’il ne peut couler.
Le Modem propose une autre clé de lecture de l’opérationnalité politique, en ouvrant les cases qui la sclérosent. Il dérange beaucoup, comme tout ce qui remet en question les certitudes, et ce, bien qu’on le courtise.
Le monde change, et c’est moins cela qui nous pose problème, que le vieillissement de nos clés de lecture.
Evelyne Biausser
Chef de file MoDem Le Cannet Rocheville